ORNELA VORPSI
Ces plaisirs violents ont des fins violentes
9 - 14 juin 2025
Maison Caméléon est heureuse de présenter Ces plaisirs violents ont des fins violentes, une exposition d'Ornela Vorpsi qui entre en résonance avec la performance littéraire de Manon Secq prévue le 8 juin 2025.
Formée à l’Académie des beaux-arts de Tirana, Ornela Vorpsi a grandi en Albanie avant de quitter son pays en 1991, à la veille de la chute du régime communiste. C’est à Milan qu’elle trouve sa terre d’accueil – et y étudie la photographie – avant de rejoindre Paris en 1997, où elle vit et travaille actuellement.
Écrivaine, photographe et peintre, Ornela Vorpsi s’incarne comme une artiste aux multiples facettes, dont les pratiques se croisent pour se nourrir mutuellement. Ces plaisirs violents ont des fins violentes rassemble une sélection de peintures et de photographies, s’articulant autour des tensions qui nouent les relations humaines, à la fois dans la chair et dans l’âme.
Comment dire ce que l'on tait ? Comment le représenter ? Alors que l’artiste suit une carrière littéraire épanouie, notamment avec la publication de son premier roman Le pays où l’on ne meurt jamais (2004) qui reçoit de nombreux prix, Ornela Vorpsi ne se contente plus des mots : ses peintures divulguent des corps dont il est difficile de déterminer s’ils sont pris dans l’étreinte ou la bataille. Leurs gestes se rejoignent parfois dans la couleur rouge criard, qui cache comme révèle des points de contact entre les silhouettes. Les sujets suintent sous une sensibilité vive, une tension violente - voire animale - qui s’empare des corps représentés.
À certains endroits de la toile, il n’y a plus rien. La narration se déplace jusqu’aux extrémités du tableau : tantôt à droite, puis à gauche, en haut, puis au centre, laissant certaines parties incomplètes – ouvertes – comme s’il s’agissait d’un champ d’interrogations sans réponses. Ces zones peuvent être lues comme des absences ou des mises à l’écart. Elles sont semblables à cet intervalle flottant entre la sensation et sa traduction littéraire
Une spécificité qui fait écho aux écarts que l’on peut trouver dans le langage : ayant l’albanais pour langue maternelle, Ornela Vorpsi a dû maîtriser rapidement l’italien, puis le français. Picturalement, ces espaces vides équilibrent, d’une certaine manière, l’intensité dramatique du reste de la composition : comme une partition de musique, Ornela Vorpsi orchestre ses sujets, créant une symphonie visuelle enivrante. Entre fortissimos, pianissimos et silences, l’artiste joue subtilement, venant éclabousser l’œil de ses turpitudes.
Car lorsque l’on contemple les oeuvres, les frontières entre les personnages deviennent indistinctes, comme les sentiments qui nous traversent. Pris dans l’ardeur d’un désir ou de la haine, les êtres semblent entrer dans une forme de folie. “Où se situe t-elle et surtout, comment la définir ?” s’interroge l’artiste. Progressivement, les peintures d’Ornela Vorpsi nous donne accès à ce qui se dissimule sous la peau des choses et des êtres, allant au-delà des apparences. L’esthétique adoptée s’éloigne totalement de la beauté conventionnelle, marquée par une forte présence de l’obscène et du dérangeant. Comme Myriam Cahn qui, par la brutalité de sa peinture, interroge les spectateurs et ne les épargne pas. Il s’agit donc d’aller au-delà du beau afin de saisir les dimensions plus profondes de l’existence humaine.
Face aux peintures d’Ornela Vorpsi, le spectateur se laisse emporter par la foule, dans une valse à la cadence frénétique. Car si la société les veut malades, le regard les lit terriblement libres : les portraits représentés deviennent des allégories de la folie, symbolisant une rage de vivre. Les personnages se dressent ainsi devant leurs semblables, qui les observent - témoins, complices - et finissent par se réfléchir en miroir.
Marie Chappaz